Foi et fraternisation à Massiges

Magnifiques objets façonnés par Alphonse FORET, blessé à la fesse droite par un éclat d'obus à Massiges le 13/04/1916

(Avec l'aimable autorisation de Dominique Foret, son petit-fils)

 

Médailles religieuses  trouvées dans un porte-monnaie exhumé

Les épreuves du feu et de la mort, côtoyées chaque jour, réaffirment un immense sentiment religieux.


"Quand l’air déchiré par les obus résonne de sifflements lugubres ; quand la terre éventrée gémit sourdement ; parmi les lueurs sinistres et le tonnerre des explosions ; que deviennent les âmes ? " 

(Joseph Raymond, Froc et épée, 1919)

Cimetière militaire. Au milieu des tombes, la Vierge de l'Eglise 19.8.1916 (Massiges)


"Nous avons été légèrement déplacés mais très peu, quelques centaines de mètres et il n’y  a pas lieu de vous en alarmer.

D’ailleurs, avec toutes les recommandations dont vous m’accablez, je peux attendre en toute confiance, aussi ai-je plus de médailles dans mon porte-monnaie qu’aucun général puisse en avoir sur la poitrine.

J’en ai de toutes les formes, de toutes les origines : Lisieux, Lourdes, Ronchamp, tout y est ? Aussi je vous supplie de distancer vos envois ou faites-moi parvenir un 2ème porte-monnaie celui que j’ai sera bientôt complet, rien que de médailles.


Quant à me confesser, ma chérie, j’avoue très humblement que je ne vois pas du tout ce que je pourrais avoir à dire à un confesseur.

Que la guerre m’a déjà fait beaucoup souffrir, que j’ai eu froid, faim, soif, trempé de pluie, dévoré par les poux, moitié de mes nuits passées à la belle étoile, voilà l’emploi de mon temps pendant l’exercice 15-16.

Le tout ne doit pas être très grave…" 
(Lettre du 17 avril 1916 du soldat Francis Theurey à son épouse, Massiges-Virginy,53e RI)

Sur le front de Champagne, relève d’un mort béni au passage par un curé

L'Eglise de Massiges bombardée. Au 1er plan, la grosse cloche de l'Eglise écroulée (23.5.1916)

Paquet  de cigarettes/FRATERNISATION

"Avec les Allemands, nous nous sommes tellement battus que nos sangs ne font plus qu’un." (Ferdinand Gilson, 8ème dernier poilu français, décédé en 2006)


"Ce soir, nous montons aux tranchées, aussi peut-être n’aurais-je guère le temps de vous écrire, aussi je profite d’un moment pour vous envoyer deux mots…Nous sommes logés sous un hangar, sur de la paille qui a bien six mois, aussi la couche est bien mince et ressemble beaucoup à du fumier de cochon.

Il fait très froid et les nuits prochaines seront dures. Les hommes qui reviennent ressemblent à des tas de boue. A bien des endroits on est obligé de porter d’énormes bottes qui nous viennent à la ceinture car on est dans l’eau et dans la boue.

Cette nuit des Boches sont venus causer avec les nôtres, eux aussi ne peuvent plus y rester et sont à moitié gelés, car il fait un temps noir et le froid est très piquant.

Le pays où nous sommes est presque totalement évacué, impossible d’y trouver un verre de vin…" 
(Extraits des lettres du soldat Francis Theurey à son épouse, 53e RI, secteur de Massiges, 14 décembre 1915)

"On était entre Tahure et Souain, côte 193, on avait touché une bouteille de champagne  pour 4 ou 5, et les Allemands du vin. Quelques uns nous crient « bonne année » en français  en nous montrant leur bouteille. Nous on a répondu  de même, ceux-ci nous lancent des cigares et cigarettes. Les jours suivants c’est la même chose, plus de grenades ni de coups de fusils. L’un d’eux  m’a fait comprendre qu’il avait 2 enfants. Quand passent des officiers, des 2 côtés, on se fait signe avec les mains de se planquer. Mais un jour ça a fini mal. Des officiers  allemands nous ont vu  à la jumelle. Ils nous ont bombardé violemment, les obus tombaient comme de la grêle, les tranchées étaient toutes démolies.
Pendant cette période, ils reçurent un bout de papier attaché à une pierre par une ficelle. Ils se le passaient de main en main, et, n’y comprenant rien, Jules Varoquier le rangea précieusement dans son carnet. Ce n’est que bien plus tard que l’on traduisit les vers du poète allemand  Schiller, qui disaient à peu près ceci :


"Là où des forces sauvages règnent absurdement
Aucune œuvre ne peut se construire." 

(Jules Varoquier, cérémonie Minaucourt du 30 sept 2001)

Noel 1914

Si ses barbelés rouillés pouvaient parler, que choisiraient-ils de raconter ? Le bruit des bombes, le cri des blessés, l’odeur des cadavres ? Ou plutôt le nouvel an 1916?

Les poilus avaient reçu du mousseux. Les Allemands, du vin blanc. « On sait qu’ils ont trinqué ici. Que, pendant quelques heures, les deux camps ont fraternisé », raconte Jean-Pierre. Jusqu’à ce qu’un officier allemand décide d’un barrage d’artillerie punitif sur les deux lignes.

Si les barbelés pouvaient parler, c’est bien ce nouvel an 1916 qu’ils devraient raconter. Et les dialogues de soldats, ce soir-là. Leurs chants, dans les deux langues. Ils réciteraient aussi ces deux vers du poète allemand Schiller, griffonnés sur un bout de papier enroulé autour d’une pierre et lancé cette nuit-là vers les tranchées françaises...