La boue, le froid, et les travaux de tranchées à Massiges

 

 

 

 

Allée de piles de sacs fossilisés sortis de la craie au pinceau

 

Vestiges  éphémères, ils ne résisteront pas aux premières gelées.


"L’été des généraux s’achevait sur une victoire à la fois décisive et indécise, laissant face à face deux armées épuisées que l’on croyait incapables de s’affronter encore : c’était une erreur.
Elles allaient s’enterrer pour survivre." 

(Pierre Miquel, la grande guerre, 1983)

 

 

 

 

"Champagne, tranchée française de 1ère ligne"

 

Les Allemands  ont fait progressivement du secteur de la Main de Massiges, une forteresse hérissée de tranchées, de mitrailleuses, de canons et pourvue de nombreux abris.

 

 

 

 

"Tranchée allemande"

 

"Je n’avais jamais pensé voir cela. Que la guerre se fasse ainsi.

Et personne jamais ne m’avait préparé à cela (…)

Je voulais faire la guerre et je le veux encore.

Mais je regarde mes hommes s’affairer dans cette tranchée et je vois des soldats termites.

Et creuser la terre, s’enfoncer le plus profond possible sous le niveau de la surface du sol n’est pas une manière de faire la guerre.

Mais juste, peut-être, une façon de ne pas la perdre.

Je le fais bien sûr. J’obéis. Mais je n’aime pas cela (…)

L’ennemi est là, à portée de voix, il creuse aussi. Pour se cacher, comme nous.

Est-ce celui qui aura creusé le plus profond qui gagnera cette guerre ? Ce n’est pas cette guerre-là que j’ai apprise." 

(Laurent Gaudé, Cris)

 

 

 

 

"Construction d’abris à la Main de Massiges"

Les tranchées sont reliées entre elles par un système de boyaux sinueux pour éviter d’être pris en enfilade par les tirs adverses.

 

 

 

"Panorama de la main de Massiges 26 septembre 1915"

 

A l’intérieur de ces tranchées sont creusés des abris dont les parois sont soutenues par des rondins chez les français, souvent bétonnées chez les allemands.

 

 

 

"Boyau conduisant aux tranchées de 1ère ligne ; à droite un abri (19.4.1916) Massiges"

 

Les conditions de vie des Poilus dans cet univers sont excessivement dures : outre le froid, les rats, les poux, les odeurs pestilentielles et l’absence d’hygiène, l’ennemi le plus redoutable des combattants est la pluie qui transforme les tranchées en fondrières.

 

"Pluie torrentielle et bourrasques.

Les hommes souffrent horriblement dans les tranchées, qui sont de véritables bourbiers, sans aucun abri.

Aucun ravitaillement de vivres ou de munitions ne peut se faire en plein jour.

Beaucoup sont atteints d’entérite, et se tordent dans des coliques très douloureuses."

(Itinéraire  du 7e RIC, septembre 1914)

 

"Ciel gris, terre grise et en liquéfaction, mort grise (…)

Les fusils s’incrustent, les uniformes s’incrustent, tout est une masse de terre ruisselante (…)

Les morts, les blessés et les survivants s’y enfoncent lentement (…)

Nos mains sont de la terre ; nos corps, de l’argile ; nos yeux, des mares de pluie. 

Nous ne savons pas si nous sommes encore vivants."

(Erich Maria  Remarque, à l’ouest rien de nouveau, 1928)

 

"Il a plu et la boue a envahi tout le secteur (…)

On meurt de la boue comme des balles. Des blessés sont engloutis dans ce marais perfide.

Ici, c’est la boue qui obsède. La boue gluante et liquide, l’affreuse  boue, soulevée, piétinée, tassée par des centaines de milliers d’hommes, de chevaux et de véhicules.

Elle est partout, sous les pieds, sous les mains, sous les corps qui s’allongent.

Elle pénètre jusqu’à la peau. Elle réussit à se glisser, sournoise, sous les planches et les couvertures.

Nous vivons sous la boue.

Nous voyons que de la boue partout, et des cadavres.

Des cadavres et encore de la boue, et encore des cadavres.

L’enfer, c’est la boue.

On s’y enfonce, on glisse, lentement attiré par on ne sait quelle irrésistible force.

On a pris l’habitude de vivre dans la terre avant d’être mort."

(Jean Pales, 24e RIC)

 

"Nous nous enfonçons dans la boue jusqu’aux genoux, pour s’arracher, on se tient par la main, car ceux qui tombent dans les trous ne peuvent plus se retirer.

Il est impossible de s’imaginer ce que cela peut être.

Pendant une corvée, cette nuit, il y en a qui se sont enfoncés dans les trous d’obus jusqu’au cou. Il fallait se mettre à quatre pour les en arracher.
Les malheureux blessés qu’on emporte sont méconnaissables.

Plusieurs centimètres d’épaisseur de boue sur leurs vêtements et on ne voit plus leur figure.

 

Des cadavres sont enterrés dans les parapets et pourrissent dans l’humidité.

De temps à autre, un pied chaussé apparait et fait saillie dans la tranchée. La boue empêche presque de passer."
(Ernst Junger, Orages d’acier, 1920)


"La neige commence à tomber. De ma vie, je n’ai vu pareille boue.

Ceux des 2e et 3e bataillons qui se trouvaient en ligne n’ont rien d’humain. Ce sont de véritables paquets de terre.

On ne peut se faire une idée de la vie qu’on mène...

Nous nous trouvons dans un village presque complètement évacué, véritable désert de boue." 
(Extraits de lettres du soldat Francis Theurey à son épouse, 53e RI, secteur de Massiges, fin décembre 1915)

"Massiges, ruines de la mairie et de l’école"

 

 

 

 

 

Fragment de sac de toile incrusté dans un bloc de craie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Escaliers taillés dans la craie qui resurgissent du temps